Traitement des addictions dans le cadre d’un accompagnement psychothérapeutique

Il n’y a évidemment pas une seule façon de traiter les addictions, cela dépend du type d’addiction (avec ou sans substance, quelle substance, etc.) mais aussi de la personne en souffrance, sa personnalité, son tempérament, le nombre d’années (qu’elle souffre d’addiction(s)), la sévérité (quantité d’alcool ou de cigarettes), les comorbidités (dépression, maladie, traumatisme, etc.).

Bien que les mécanismes neuropsychologiques soient les mêmes (notamment en ce qui concerne le circuit de la récompense), chaque cas d’addiction possède sa singularité. Cet article n’a pas la prétention d’être un mode d’emploi pour des psychologues et/ou psychothérapeutes sur le traitement des addictions, il vise tout au plus à expliquer l’installation du phénomène d’addiction. Quant aux pistes de prise en charge psychothérapeutiques évoquées, il s’agit plus d’un retour sur de nombreux cas cliniques, incluant naturellement la subjectivité liée à l’approche thérapeutique, en l’occurrence la thérapie brève et systémique, incluant la pratique de l’hypnose ericksonienne.

Le circuit de la récompense

Le neurotransmetteur principal impliqué dans le circuit de la récompense est la dopamine (qu’on appelle « l’hormone du plaisir ») : il suffit d’un simple signal (la vue d’un paquet de cigarette ou une odeur d’une bonne nourriture) – traité par le cortex qui nous dit dans un langage neurochimique « Mmm… c’est bon ! » ou « tu t’en grillerais bien une ! » – pour que l’aire tegmentale ventrale (ATV) augmente de volume et libère de la dopamine dans le noyau accumbens (mais aussi dans le septum, l’amygdale et le cortex préfrontal).

Source de l’image : Le cerveau à tous les niveaux

Le noyau accumbens intervient dans l’activation motrice qui va pousser à la consommation de la substance ou du passage à l’action (achat en ligne, placer un pari sur un site de jeux de hasard, scroller sur son téléphone, etc.). Le cortex préfrontal est impliqué dans la focalisation de l’attention, c’est-à-dire des stimuli qui permettent d’éprouver une sensation de plaisir (en lien avec une expérience passée : « Tu sais que tu aimes ça et tu connais la sensation de plaisir que tu éprouveras en cédant ») mais également une éventuelle inhibition (« tu sais que ce n’est pas raisonnable » ; « je te signale que tu es au régime »).

Autrement dit, on parlera d’une addiction qui serait « pathologique » à partir du moment où les comportements ne sont plus suffisamment inhibés (par ce qu’on appellerait la raison), générant des conséquences négatives dans la vie de tous les jours.

Pour comprendre pourquoi il est si difficile de peser le pour et le contre et de faire le choix raisonnable qui consiste à ne pas céder, la neuroanatomie nous montre que toutes ces régions sont reliées par ce que l’on appelle le faisceau de la récompense (ou du plaisir) dont l’activation consolide les connexions à travers la répétition de l’action entraînant du plaisir. Autrement dit, plus on consomme une substance addictive (ou plus on réalise une action potentiellement addictive), plus on a envie de renouveler l’expérience, et plus on renouvelle l’expérience, plus les connexions se voient renforcées. L’addiction est donc un cercle vicieux qu’on a mis en place avec beaucoup de plaisir, ce qui est vraiment le cas de le dire !

Si désactiver toutes ces connexions ne se fait pas en deux temps, trois mouvements, il y a cependant des choses que l’on peut installer dans le cadre d’une psychothérapie pour progressivement créer des sources de gratification plus vertueuses et abandonner les comportements addictifs.

Combattre le mal par le mal le bien par le bien !

Si l’addiction implique la dopamine, et donc le plaisir, il va falloir trouver dans le contexte de la thérapie une issue qui permettra au sujet d’obtenir d’autres sources de plaisir, autrement dit un objectif supérieur qui sera en soi une bonne raison d’abandonner son addiction. Nous connaissons tous des fumeurs (parfois même de grands fumeurs) ou des personnes qui sans spécialement être « des alcooliques » ont une consommation très régulière d’alcool, mais tous les comportements de nature addictive ne sont un problème qu’à partir du moment ou des conséquences désagréables se manifestent dans la vie de la personne. Par exemple, le tabac peut amener à des problèmes respiratoires, cardio-vasculaires (voire financiers) ; l’alcool peut amener à des conflits conjugaux (remarques négatives et répétées de la compagne ou du compagnon, désinhibition et violences verbales… ou physiques !, comportements à risque sur la route, etc.). Il y a donc un seuil « de conséquences négatives » à atteindre pour que la personne ayant une addiction particulière puisse avoir une prise de conscience, et décider de faire appel à un professionnel de la santé psychique pour être accompagné dans sa démarche.

L’analyse de la demande (anamnèse) visera à répondre aux questions suivantes :

  1. Quoi ? (Alcool, tabac, cannabis,…)
  2. Quelle quantité ?
  3. Depuis quand ? Combien d’années ?
  4. Avez-vous déjà consulté un professionnel dans le passé par rapport à ce problème ?
  5. Y a-t-il un événement particulier qui aurait contribué à augmenter la dose ou la fréquence ?

Le but (psycho)thérapeutique étant de trouver l’objectif supérieur (en substance : « en quoi abandonner la cigarette va apporter une valeur ajoutée dans votre vie ? ») et ensuite de faire un travail qui pourrait être de type « coaching » au sens de mettre des stratégies en place tout en identifiant les ressources, mais aussi les freins qui pourraient avoir pour conséquence que le patient ne finisse par retomber dans son addiction.

Chaque addiction possède ses propres propriétés et ses propres implications au niveau neuroanatomique. Par exemple, la cigarette a un rôle positif sur l’humeur et la cognition (meilleure acuité cognitive, meilleure concentration), il est donc important de tenir compte de ces « avantages » dans le but de les compenser dans le cadre de l’abandon de sa consommation.

L’alcool est un excellent sédatif (mais qui a le désavantage de rendre irritable), il va donc falloir – à travers la psychothérapie – identifier d’éventuels facteurs de stress (pareil pour la cigarette où des facteurs de stress peuvent être la cause d’une augmentation de la consommation) pour mieux les gérer et développer des stratégies qui amèneront à assainir la situation vécue au quotidien, ou de travailler sur les émotions s’il s’agit de difficultés perçues, ou encore d’un mal-être qui aurait une autre source et qui serait compensé par la consommation d’alcool (ou de la cigarette, ou d’autre chose!).

Le stress et l’anxiété sont aussi des paramètres à prendre en compte dans ce qui amène (et renforce) les comportements addictifs. Il s’agit donc de variables essentielles sur lesquelles travailler pour faciliter la victoire sur les addictions. Il en est de même pour la motivation (en particulier l’absence de motivation) qui peut se travailler à travers l’estime de soi, les objectifs supérieurs, ou en capitalisant sur les réussites passées. A ce titre l’hypnose est un excellent outil thérapeutique permettant de recréer des connexions vertueuses et générer des états mentaux qui vont favoriser les actions menées et la motivation.

Ajoutons à cela que certaines addictions peuvent été renforcées par des traumas (chocs post-traumatiques) ou encore de la dépression. Le cannabis est un excellent candidat parmi les substances qui permettent de relâcher les tensions, se déconnecter (ruminations mentales), et de (re)trouver le sommeil. Les traumas peuvent être traités grâce à la technique de l’EMDR, tandis que la dépression est une prise en charge plus globale alliant la médecine (prescription éventuelle d’antidépresseurs) et l’accompagnement psychologique et/ou psychothérapeutique (renforcement du circuit sérotoninergique). Il est également important de travailler sur la régulation du sommeil, notamment via des compléments alimentaires (mélatonine, Circadin™). Les traitements via somnifères et autres anxiolytiques sont naturellement à l’appréciation du médecin.

Tableau des addictions les plus fréquentes en consultation

L’alcool et le tabac sont les motifs de consultations les plus fréquentes en ce qui concerne les addictions, les inconvénients étant infiniment supérieurs aux bénéfices. Si toutes les addictions touchent l’estime de soi, l’alcool (ou plutôt l’alcoolisme) met en marge de la société : il génère très souvent un arrêt de travail, voire une cure en centre de désintoxication, tandis que les dégâts sur l’organisme et la cognition sont conséquents. Les conséquences d’années d’alcoolisme sont aussi désastreuses que certaines drogues dures.

Le tabac en revanche n’a pas autant des conséquences aussi sévères que l’alcool sur la santé (tant qu’un cancer du poumon ne s’est pas déclaré !), cependant lorsqu’un fumeur prend l’initiative de vouloir arrêter, il est probable qu’il a déjà reçu quelques premières alertes au niveau de sa santé physique (essoufflements, difficultés de récupération et de performance lors d’efforts physiques) ou une situation de stress particulière qui a fait que la consommation a significativement augmenté (rupture sentimentale, deuil, perte d’un emploi, etc.).

En ce qui concerne l’addiction au cannabis, il y a plusieurs profils de patients : il y a notamment des patients en dépression sévère et/ou en état de choc post-traumatique (que le cannabis vient atténuer) ou des patients qui ont un usage récréatif… et qui réalisent qu’ils sont dépendants, dépendance affectant certaines facultés cognitives. Les addictions aux drogues dures (cocaïne, héroïne) se traitent le plus souvent dans des centres spécialisés, même si un accompagnement psychothérapeutique peut s’envisager également.

Afin d’illustrer un exemple d’addictions sans substance (qui sont plus rares dans les demandes de prise en charge), le tableau comprend l’addiction aux jeux de hasard où ce qui est impliqué au niveau neuro-anatomique est l’adrénaline, soit cette sensation d’excitation qui permet de se déconnecter de la vie quotidienne. Si vivre des expériences intenses incluant les prises de risque n’ont rien de pathologique, la récurrence allant jusqu’à l’addiction, c’est-à-dire l’impossibilité de s’en passer, traduit souvent de grands états de stress voire de mal-être. C’est un peu pareil en ce qui concerne l’addiction au sexe (recherche de sensations).

A noter que la nourriture, bien que cela peut entrer dans la catégorie de comportements addictifs, sont dans un autre registre que les addictions citées dans cet article. En effet les troubles alimentaires ont un historique plus particulier dans l’histoire de vie, en lien avec l’estime de soi, parfois en lien avec des violences subies et des chocs post-traumatiques, en lien avec l’image de soi. Les troubles alimentaires incluent l’hyperphagie, mais aussi l’anorexie qui est une privation volontaire de nourriture. Ces troubles seront développés dans un autre article.

Synthèse

Les addictions se traitent finalement comme n’importe quel trouble du comportement, au regard des spécificités de l’individu et de ses événements de vie, c’est-à-dire un trouble qui s’inscrit et se fixe dans un contexte global. Une prise en charge des addictions doit donc inclure une approche analytique pour être efficace et éviter les rechutes. En effet, il existe des méthodes thérapeutiques très efficaces pour traiter les addictions ; l’hypnose par exemple présente des résultats très surprenants notamment par rapport à la cigarette, parfois en une seule séance ! Mais pour être efficace (et dans l’optique de prévenir les éventuelles rechutes), la première séance doit servir de base pour récolter les informations nécessaires pour comprendre les situations qui ont amené à une consommation plus élevée, ou à la prise de conscience du problème. Parfois, le simple fait de sortir d’une situation de stress (ou de mieux la gérer) permet de venir à bout d’une addiction venue compenser des états psychiques désagréables (c’est particulièrement vrai pour le tabac, l’alcool étant plus nocif au niveau cognitif) et en sortir ensuite définitivement avec de l’hypnose.

Lorsque la santé du patient est engagée, la prise en charge psychothérapeutique n’est pas suffisante et peut nécessiter une hospitalisation (cure de désintoxication pour l’alcool et les drogues, en particulier les drogues dures). Par ailleurs, les cas sévères d’addiction à l’alcool sont souvent amenés vers un psychothérapeute ou un hypnothérapeute par les médecins et les psychiatres pour venir appuyer le traitement médical.

Pour conclure, voici un petit graphique illustrant les conséquences négatives des addictions. Celui-ci a été réalisé par rapport à une observation empirique et doit être nuancé par la sévérité de l’addiction incluant la quantité, les propriétés de la substance et la fréquence d’usage.

Nous retiendrons que :

  • L’alcool a pour conséquences de gros impacts négatifs dans la vie de tous les jours, allant de la mise à l’écart professionnelle aux soucis familiaux (on rechigne plus souvent à confier les petits enfants à des grands-parents qui souffrent de problèmes alcooliques par exemple), avec potentiellement de la violence verbale ou physique en consécutive à la désinhibition et à la nervosité induite par l’alcool.
  • Le cannabis étant moins facilement accessible que l’alcool est consommé par des personnes « initiées » en ce sens qu’il leur est possible de limiter l’impact au niveau professionnel (en ne fumant que le week-end par exemple) et familial (ne pas fumer à la maison). Le consommateur perd un contrôle sur la situation lorsque la consommation est associée à une dépression sévère et qui peut renforcer une certaine léthargie. Si la cannabis est associée à une drogue douce, légalisée (ou en voie de légalisation) dans de nombreux pays, il n’en demeure pas moins que les baisses cognitives sont réelles, pouvant même aller jusqu’à des hallucinations. Le cannabis peut aussi conduire au décrochage scolaire des adolescents.
  • Le tabac a un tableau de conséquences en apparence moins sévère, cependant les risques de maladies cardio-vasculaires et de cancer sont connus de tous. La seule véritable contrainte de l’arrêt du tabac (outre la crainte de la prise de poids qui n’est pas systématique) est l’impression d’être moins performant intellectuellement (impression de baisse de la concentration et de la mémoire). En réalité le fumeur est en légère surefficience cognitive grâce à la nicotine. Si celle-ci peut se compenser, l’arrêt du tabac génère une meilleure qualité de vie, une meilleure apparence physique (plus belle peau notamment, plus belles dents) et génère une grande confiance en soi.
  • Les jeux de hasard (ou autre addictions comportementales à risques) ont des conséquences désastreuses pour la vie familiale, pouvant aller jusqu’à la ruine. C’est pareil en ce qui concerne l’addiction au sexe (avec relations extraconjugales) qui peut conduire à la séparation et au divorce. Ces comportements peuvent aussi être la conséquence de troubles psychologiques plus graves comme le trouble bipolaire, avec, en phase maniaque, des comportements pouvant amener l’individu à se mettre en danger (mais aussi les autres). Au niveau cognitif, le manque de préméditation (sur les conséquences négatives de ces comportements) combiné à de l’impulsivité est commun à toutes les addictions, mais dans le cas des comportements à risques cela est plus prononcé dès lors où la mise en danger est immédiate et systématique (contrairement à la consommation de tabac où le cancer, si le risque est présent, reste hypothétique).

Bibliographie

Allain, P. (2013). La prise de décision : aspects théoriques, neuro-anatomie et évaluation. Revue de neuropsychologie, 5, 69-81. https://doi.org/10.3917/rne.052.0069

Le cerveau à tous les niveaux. Les centres du plaisir. Consulté à l’adresse : http://lecerveau.mcgill.ca/flash/i/i_03/i_03_cr/i_03_cr_que/i_03_cr_que.html

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