Comment grandit-on quand on est surdoué ?
Cet article est un résumé de l’article publié par Jeanne Siaud-Facchin : « Quand l’intelligence élevée fragilise la construction de l’identité : comment grandit-on quand on est surdoué ? »
Ces enfants surdoués, ces « super-cerveaux » qui font la fierté de leurs parents. Dans la réalité il en est tout autre : parcours scolaire chaotique, psychologiquement vulnérables, ces enfants ont une conscience douloureuse du monde. Ils ont certes appris à transformer leur particularité en atout, cependant pour certains, leur développement est marqué par des difficultés affectives multiples engendrant des conséquences psychologiques atypiques et des prises en charge difficiles.
On parle de surdoué à partir de 130 de QI, soit 2% de la population. Il ne s’agit pas de quelque chose « en plus » au niveau de l’intelligence mais une organisation affective différente.
L’enfant surdoué n’est pas sur-intelligent, il s’agit d’une intelligence qualitativement différente, une différence dans son mode de pensée. Les recherches les plus récentes évoquent une hyperactivation cérébrale : les réseaux de neurones sont activés en continu et les phases de repos sont moins fréquentes, avec la sensation pour le surdoué d’en avoir « plein la tête » puisque toutes les aires cérébrales prennent en charge l’information quelle qu’en soit la nature. Il est difficile pour le surdoué de focaliser sur une seule information à la fois, sa pensée est en arborescence et non séquentielle.
L’hypothèse d’une plus grande activation de l’hémisphère droit dans les processus cognitifs a fait l’objet de plusieurs validations scientifiques, le cerveau droit renforçant l’intelligence intuitive. La puissance de pensée crée une impuissance métacognitive : le surdoué ne sait pas pourquoi ni comment il sait. Il capte toutes les informations au même niveau d’importance sans hiérarchisation. Face au flux, le cerveau peine à centrer et soutenir son attention.
Emotionnellement le surdoué réagit avec une intensité exacerbée, cela à cause d’une vulnérabilité particulière de l’amygdale : toute perception est amplifiée, grossie, démultipliée. Le surdoué voit ce que les autres ne voient pas, il ressent violemment ce qui échappe aux autres. En conséquence de ce processus neuropsychologique particulier, en découle une grande susceptibilité, résultant de cette sensibilité intense et mal contrôlée.
Le surdoué a aussi une grande conscience du collectif : comment être heureux quand il y a tous ces gens qui souffrent ? Face à la difficulté de changer le monde, il en vient à ressentir la vacuité de sa propre vie.
Aux yeux des autres il est un enfant banal, alors qu’au fond de lui il vit l’inquiétude. C’est en secret qu’il développe sa pensée, d’ailleurs il lui est impossible d’arrêter de penser.
A l’adolescence tout devient plus violent, plus extrême encore : les rêves d’enfant s’effondrent et la confrontation à la réalité est insupportable, jusqu’aux envies suicidaires… Le surdoué est un être affectif ; la moindre remarque, aussi anodine soit-elle, le touche, le blesse, le bouleverse. En conséquence, il décharge toute émotion pour la canaliser, ce qui génère une activité psychique intense qui finit par l’épuiser.
Sa défense par cognition le coupe de sa véritable identité : à force de ne plus rien pouvoir ressentir l’enfant ne sait plus qui il est. Mal compris, d’autant plus que son idéal de vie est un idéal d’amour – avec les désillusions à prévoir –, l’enfant recherche des repères affectifs. Il se construit un monde intérieur pour se protéger de l’extérieur. Pour éviter d’être maltraité à l’école, il va inhiber son fonctionnement pour se fondre dans la norme, lui qui est – au regard des autres – si étrange.
Même si être surdoué n’est pas une pathologie en soi, il y a un double mal : le surdoué souffre et personne ne songe à plaindre quelqu’un d’intelligent, soit une souffrance non reconnue. Quant aux institutions, elles prennent plus volontiers en charge des enfants qui ont « quelque chose en moins » plutôt que « quelque chose en plus ». Tous les enfants surdoués ne développent pas de pathologie, mais restent vulnérables et fragiles.
Article de Jeanne Siaud-Facchin : « Quand l’intelligence élevée fragilise la construction de l’identité : comment grandit-on quand on est surdoué ? »
Travail original (Portfolio 1), pour l’UMons (2017) : Mes intérêts en contexte
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