Du besoin d’amour au besoin de puissance

On pense que l’Homme a besoin d’amour, or c’est plutôt de puissance dont il a besoin. L’amour dans son expression factuelle (marques d’affection, baisers, gestes tendres, rapports charnels) n’est que la façade de phénomènes beaucoup plus intrigants au niveau psychique.
Car l’amour est surtout un jeu de dupes qui implique un balancier entre pouvoir et narcissisme : on aime être aimé pour recevoir en retour une image positive de soi, comme on aime aimer pour avoir un impact sur l’autre.

Bien sûr que rationnellement tout le monde va plaider pour l’acte désintéressé or chaque histoire commence par une fascination, qui sera volontiers entretenue : c’est l’histoire de capter un regard (ou le provoquer) et de mettre en avant des atouts que l’on possède : un physique attrayant, un verbiage intéressant, une attitude ouverte et mesurée, tout ce qui peut se trouver dans la panoplie du séducteur… que nous sommes tous, et c’est pareil pour le (ou la) timide qui fascine par sa réserve et une apparente vulnérabilité qui sous-entend : « j’ai besoin de douceur, protège-moi » jusqu’à ce que l’interdépendance se crée et que sa puissance s’exprime.

Si on est plus facilement attiré par quelqu’un au physique attrayant, un esprit fin, ou qui a une position sociale respectable, c’est pour se renvoyer la plus belle image possible à soi-même (narcissisme) : « quelle est la plus belle « chose » que je puisse séduire (fasciner) ? » La « chose » qui deviendra sujet à part entière dès le moment où il y a relation, le flux passionnel n’empêchant pas l’empathie et les actes de bienveillance naturellement (même si dans une relation résolument perverse, la « chose » reste « chose »…).

Ou la variante : « quelle est la plus belle « chose » que je puisse posséder ? »
Dans les deux cas, il s’agit d’exprimer sa puissance, et pour cela tout le monde recherche le partenaire adéquat. Une belle personne au profil intéressant ne suffit pas pour qu’il y ait relation (ou même un quelconque intérêt). C’est l’inconscient qui décide « avec qui il va faire une partie ».
Non il ne s’agit pas de malveillance (consciemment) préméditée (ça serait trop visible et on s’en méfierait trop facilement), il s’agit bien d’amour pour ce qu’il est réellement, épuré de tout romantisme et de poésie : l’intrication de deux psychismes et un équilibre qui doit se trouver dans ce flux d’énergie pulsionnelle (et débordante).

Personne ne veut le mal de l’autre et pourtant c’est ce qui arrive. Tout le monde dira vouloir le bien de l’autre, mais tout le monde aspire à y trouver son compte (y compris chez le masochiste qui tolère les humiliations).

« Je ne serai rien sans toi » (victime consentante, masochisme), sous-entendu : « j’aspire à ce que tu ne sois rien sans moi et pour en être sûr(e) je vais employer tous les stratagèmes nécessaires jusqu’à ce que tu le réalises par toi-même » (possession, exclusivité, sadisme).

Les rôles peuvent également être alternés, ce qui dans son équation simplifiée équivaut à dire que l’amour c’est une relation sado-masochiste inconsciente : on fait du mal et on se fait du mal. On fait du mal à ceux qu’on aime… et on aime ceux qui nous font du mal.

Tout cela se canalise bien entendu, autrement toutes les relations seraient des projets avortés dans l’oeuf. Ce n’est pas par hasard si des relations tendres et passionnées peuvent se terminer dans la haine et la douleur. A la « fin de la partie » on évalue les dommages et les pertes. Et cela peut faire très mal.

Ce n’est pas pour rien que l’engagement ultime dans le cadre d’une sacralisation de la relation étant de se promettre, de se dire: « pour le meilleur et pour le pire » ; comme si ces récentes approches liées – notamment – à la psychanalyse et l’étude de l’inconscient nous révèlent un secret connu depuis la nuit des temps.

Les traditions et les cultures ont organisé des modèles pour cadrer les relations hommes-femmes en évoquant les droits et les devoirs, que d’aucuns nomment la société patriarcale. Aujourd’hui, et sans faire l’apologie des modèles plus anciens — voire archaïques —, la sécularisation nous amène à un regard lucide sur l’amour et les relations. On a même inventé que les hommes venaient de mars et les femme de Vénus, alors qu’en fait, tout n’est qu’une question de puissance, ce qui doit nous induire de la bienveillance, beaucoup de bienveillance.

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