Changer de vie, à quel prix ?
Notre personnalité est le fruit d’une construction psychologique : une alchimie entre inné et acquis. En venant au monde, nous sommes démunis et en totale dépendance. Nous avons, très tôt, conscientisé notre vulnérabilité. C’est pour cela que notre personnalité (de surface) est une adaptation : protéger ce qu’il y a de vital en nous (selon notre perception du monde telle qu’elle s’est construite) et nouer des liens avec le monde extérieur. C’est comme cela que nous nous construisons, et c’est comme cela que nous grandissons.
Et puis viennent ces moments, dans nos vies, où « ça ne nous convient plus », ce qu’on peut parfois appeler « les crises » (à défauts des « crises existentielles »). Nous avons à ce moment-là deux possibilités :
1) De la sur-adaptabilité, à savoir « se faire violence », continuer selon les mêmes schémas, supporter (la lourdeur d’un quotidien qui ne nous convient plus), et mettre une partie de ses désillusions sur le compte de la fatalité. L’alcool, les drogues, le recroquevillement peuvent être « de bons compagnons »…
2) Envisager un changement radical. Envisager sous-entend une prise de décision implicite. Pas encore en termes concrets, car si l’on peut « péter les plombs et changer radicalement » en un temps relativement court, ce qui amène à ces décisions tranchées est une construction qui peut prendre du temps, le temps de bien se rendre compte et d’admettre que ça ne nous va plus du tout !
Ces décisions importantes que nous prenons au cours de notre vie et qui changent radicalement notre existence, nous ne les prenons que rarement en pleine lucidité. Nous avons besoin d’être tourmentés, car jusqu’au bout nous nous accrochons à ce que nous avons construit fusse cela précaire. « Encore un petit peu », « patience », « ça va aller », « c’est peut-être moi qui ai un problème au fond »,…
Ce n’est que lorsque l’on ne peut plus supporter l’insupportable que l’on doit se résigner à être lucide…
Un saut vers l’inconnu
Si nous supportons, ce n’est pas parce que ça nous fait plaisir où que nous y trouvons nécessairement des satisfactions. C’est seulement parce que nous avons nos repères dans ce qui nous est inconfortable. La sur-adaptabilité est un dérivé de la résilience.
La résilience désigne la capacité pour un corps, un organisme, une organisation ou un système quelconque à retrouver ses propriétés initiales après une altération. (Wieland & Wallenburg)
Nous sommes des êtres sensibles et avons besoin de sens pour nous sentir exister. Nous nous construisons en permanence. Nous prenons – et avons pris – des décisions sur bases des éléments dont nous disposons au moment où nous les prenons.
C’est en ce sens que nous ne faisons jamais d’erreurs au sens absolu du terme. La véritable erreur étant sans doute de prendre les mêmes décisions qui conduisent aux mêmes résultats alors que les données n’ont pas forcément évolué.
Les décisions que nous avons prises dans nos vies étaient sans doute « bonnes » (ou « pas nécessairement mauvaises ») au moment où nous les avons prises. C’est pour cela qu’il nous est difficile de tout lâcher dans ce qu’on a construit : nous prenons la responsabilité d’admettre que nous avons – dans un sens, ou ne fusse qu’en partie – choisi notre vie. Et peut-être qu’une part de nous souhaite épargner les personnes qui gravitent dans – et autour de – notre système : un partenaire dans une relation qui ne nous convient plus, les enfants, la famille,… ; les collègues, collaborateurs, clients,… s’il s’agit d’un job que l’on souhaite quitter ; les amis, voisins, relations,… si l’on aspire à quitter l’endroit où on vit et éventuellement s’expatrier.
C’est faire table rase du passé et démarrer une vie nouvelle. La perspective, bien que potentiellement libératrice, est forcément intimidante.
C’est sans doute pour cela que nous pouvons avoir tendance à aller au bout de nos limites. Jusqu’à ce que ça ne soit tout simplement plus possible.
Comment s’y prendre ?
Il n’existe pas de manuel sur la façon de s’y prendre, et nous avons en nous-mêmes toutes les réponses, dès le moment où l’on a intégré que notre vie ne nous convient plus. Peut-être est-il bon de se faire accompagner dans sa démarche de changement (consulter un psy, coach, thérapeute), parce que forcément ça bouscule. On en aurait peut-être même oublié ce qu’il en était de ne plus être tourmenté !
Il y a aussi ce sentiment – forcément tronqué – d’avoir fait « tant d’efforts pour rien », ou la sensation de repartir à zéro. Or on ne repart jamais à zéro. Bien au contraire ! c’est en toute conscience, avec une personnalité plus forte, plus aboutie, que l’on prend la décision d’aller vers quelque chose qui sera très certainement meilleur pour nous.
Comme s’il y avait une part en nous qui nous empêchait d’être heureux. Ce que d’aucuns nomment « de l’auto-sabotage », même si les schémas sont bien plus complexes qu’une volonté intrinsèque de ne pas vouloir être heureux.
Nul ne peut supporter une vie dénuée de sens. (Carl-Gustav Jung)
La clé étant sans doute la confiance : confiance en soi, en l’avenir, aux possibilités nouvelles. Et nous avons toutes les raisons d’avoir confiance, car c’est une succession d’événements qui nous a amenés à faire de profondes remises en questions, et qui nous permet d’envisager un futur plus riche, plus apaisé, plus épanouissant.
Il s’agit d’une réflexion profonde et le temps se manifestera de lui-même. Le moment d’enclencher le processus qui va engendrer une succession d’événements en chaîne vers notre nouvelle vie va apparaître.
C’est à ce moment-là, qu’en toute confiance, nous reconnaîtrons les signes du destin.
C’est à ce moment-là, qu’en toute confiance, nous reconnaîtrons cette vie qui s’offre à nous, si conforme à nos aspirations, et en cohérence totale avec la personne que nous sommes devenues, ou en phase de devenir.
C’est à ce moment-là, qu’en toute confiance, nous ferons preuve de gratitude envers la vie, et envers tout ce qui nous a amené à prendre de nouveaux chemins.
C’est à ce moment-là, qu’en toute confiance, nous vivrons pleinement. Parce que la vie nous aura dévoilé un sens, ou du sens.
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