De l’expérience amoureuse
On l’appelle le coup de foudre, le flash amoureux, l’électrochoc,… autant d’expressions qui indiquent qu’en une fraction de seconde le temps s’arrête et crée une attirance particulière envers une autre personne. Une attirance qui crée en nous un « feu d’artifice hormonal », en particulier dans les premiers instants. Un feu d’artifice pouvant devenir une tempête si l’attirance est réciproque et aboutit à une relation.
Au-delà des considérations d’ordre « physio-bio-chimique », l’impact du sentiment amoureux transforme les êtres en profondeur. Nous ne parlons pas d’une « nuit torride » ou d’une histoire sans lendemain. Nous parlons de véritable sentiment qui implique son corps, son cœur, son esprit… et son âme ! L’expérience amoureuse, qu’elle aboutisse à quelque chose d’heureux ou à un chagrin, crée des bouleversements majeurs au cœur même du psychisme.
Transformés à jamais
Pour comprendre pourquoi les processus s’installant lors d’un amour naissant sont si intenses, il faut rappeler que nos comportements et attitudes – issus de nos valeurs, croyances, et système éducatif – ne représentent jamais une authenticité intégrale (et heureusement !), dans le sens où nous portons tous des masques – qui permettent de bien fonctionner en société et avec les autres ! – [et] que nous arborons selon les circonstances.
Nous faisons cela de façon très naturelle car nous nous adaptons en permanence : nous revêtons une tenue (et un look) adapté lorsque nous allons au travail, un autre [masque] lorsque nous sommes conviés à une fête où à une réception, un autre pour aller faire du sport, un autre encore lorsque nous restons à la maison (« la tenue du dimanche »),…
Sa personnalité est donc une synthèse des circonstances et de la façon dont on organise sa vie… mais uniquement dans l’aspect extérieur. L’aspect intérieur est protégé. Par aspect intérieur nous faisons référence à l’intimité profonde, une intimité dont seule sa surface nous est accessible (les blessures et traumatismes « conscients », qui sont souvent refoulés pour vivre « à peu près correctement »).
Le sentiment amoureux fait tout voler en éclat
De l’envie d’aimer (donner une partie de soi), ou l’envie d’être aimé (recevoir une partie de l’autre). Rechercher de l’affection que l’on n’a peut-être pas reçue dans l’enfance, [façonné par] le contexte familial – et la relation triangulaire avec ses parents et l’attachement qu’on leur porte –, apaiser une partie de soi qui a souffert [des années] en silence,… sont autant d’éléments qui structurent notre psyché. Evidemment les schémas sont infiniment plus complexes que ces hypothèses (ou ces pistes). La psychanalyse tente d’approcher ces thématiques, à travers une démarche qui peut prendre des années, alors que l’Amour [avec un grand A] révèle l’antithèse de ces schémas en un temps record !
C’est pour cela qu’on observe – du moins, que l’on peut être amené à se dire – que les personnes qui se rencontrent et qui vivent une histoire « ne pouvaient que se rencontrer ». Dans le sens où il y aurait des réponses à ses questions que l’on retrouverait en l’autre, et à travers l’autre.
Comme si les âmes donnaient l’impression de s’être reconnues, alors que notre esprit conscient tente de comprendre ce qui se passe, tout en s’efforçant à garder un certain contrôle. D’où les comportements contradictoires que l’on peut avoir envers la personne que l’on aime. Ces comportements apparaissant, généralement, après la période de l’idylle.
C’est la maturité psychique des êtres qui va faire que la relation va durer, ou pas. Il n’y a pas que cela, mais principalement cela. Cette maturité psychique qui va dépasser les difficultés, car bien évidemment, lorsqu’une personne entre dans sa vie – dans son système – le chamboulement dépasse le cadre de ces deux âmes qui ont vécu des instants de fusion. Il y a une vie concrète à poursuivre suite à ces bouleversements majeurs au cœur de son être.
Dans tous les cas, la transformation a déjà eu lieu. Quelque chose s’est produit de manière irréversible. Deux personnes qui se sont aimées, sont transformées à jamais. Elles ne pourront plus jamais vivre comme si elles ne s’étaient pas rencontrées.
Ca ne veut pas dire qu’elles ne pourront plus vivre l’une sans l’autre, car – dans le cadre d’une séparation – on finit toujours par se relever des bouleversements survenus dans nos vies (et pas spécialement liés aux expériences amoureuses). Ce qui signifie – et cela peut être vu comme de l’hyper relativisme – qu’on s’en sort toujours positivement. A condition de ne pas sombrer dans la nostalgie, mais au contraire, intégrer le positif, à savoir : s’être lâché, et s’être permis de vivre quelque chose d’agréable, quelque chose qui nous a fait prendre conscience d’une part en nous qu’on ne connaissait peut-être pas. Cela dans le but d’intégrer en Soi et d’avancer vers ce que la vie à de meilleurs à nous offrir.
Certes, on peut parfois avoir l’impression que c’est « cher payé » (en particulier quand on vit ou quand a vécu intensément une relation, où les conflits sont souvent proportionnels au bien-être qui est vécu), mais le temps – les bons moments – que l’on passe avec la personne aimée réjouit le corps et l’âme. Cela donne le sentiment d’être heureux, cela booste la confiance en soi, cela donne tout simplement le sentiment d’exister ! Il s’agit donc de quelque chose à vivre.
On a beau faire, on a beau dire qu’un homme averti en vaut deux. On a beau faire, on a beau dire, ça fait du bien d’être amoureux. – Jacques Brel
La transformation se poursuit « même quand ça ne va plus »
La transformation se poursuit « même quand ça ne va plus », ou quand « ca va moins bien ». On considère que « ça ne va plus » lorsque que ce dont on a idéalisé dans la relation disparaît ou s’estompe. Les masques font leur retour, comme pour se protéger de quelque chose que l’on ne maîtrise pas totalement (et le sentiment amoureux est la synthèse de ce que l’on ne peut maîtriser totalement !).
Les sentiments sont toujours là. Ils ne disparaissent pas du jour au lendemain. Les marques d’attention qui évoluent ne veulent pas dire qu’il n’y a plus d’amour. Il y a quelque chose qui se transforme dans la relation.
Car si la période de l’idylle nous met à nu, nous permet de vivre des sentiments authentiques (et c’est pour cela que ça nous fait tellement de bien). Lâcher cette carcasse de protections pour se lâcher complètement – même si la réalité nous ramène au fait qu’on ne peut éternellement vivre avec cette fragilité assumée – ne se fait pas sans peine. Et d’ailleurs elle ne se fait jamais intégralement. Heureusement, car même si l’amour (ou le sentiment amoureux) est une expérience à vivre (la relation qui en découle étant à protéger), on ne peut se désintégrer totalement. Si ce n’est en privé où à n’importe quel moment où on peut revivre se sentiment de lâcher-prise total. C’est la bonne nouvelle : l’intensité peut se retrouver à n’importe quel moment, même si la relation évolue. Heureusement bien évidemment, autrement cela aurait finalement bien peu de sens.
L’inconscient ayant utilisé le matériau psychique issu de notre histoire pour agencer notre personnalité et faire que l’on soit adapté/fonctionnel [en rapport] à notre environnement, il ne peut abandonner cette partie construite. [Cette partie construite] que l’on aime malgré tout, car c’est une adaptation qui s’est faite dans le temps, du fruit de nos expériences, de notre vie. Tout ce qui fait qu’on ait trouvé sa place dans ce monde, bon gré mal gré. Tout ce qui fait qu’on est la personne que l’on est.
Par ailleurs, notons que c’est la personne que l’on est « en surface » qui a agencé le cadre de la rencontre lorsque l’on vit une expérience intérieure en rapport avec l’autre (le sentiment amoureux dit de façon plus concrète).
Faire durer et construire
Un amour qui dure doit prendre en compte cette dimension qu’il y a en chacun de nous. A savoir l’équilibre à trouver entre cette « mise à nu » et le retour légitime [d’une partie] de ses protections. Et surtout, confronter cette nouvelle donnée avec la réalité concrète de sa vie.
Il s’agit de quelque chose à préserver et à intégrer dans notre histoire. Il ne s’agit pas de « supporter l’autre » (ou l’impact qu’il, ou elle, a dans notre vie), mais de continuer à vivre avec l’autre et [parfois] en l’autre, tout en bâtissant des fondations solides.
Conscients de notre fragilité – et des conséquences organisationnelles –, la tentation de prendre la première porte de sortie existe en chacun de nous. C’est pourquoi, nous pouvons être tiraillés à un moment ou un autre. « Est-ce que je l’aime vraiment ? » ; « Est-ce que je l’aime suffisamment ? » ; « Puis-je lui donner autant d’amour qu’il/elle m’en donne ? » ; « Est-ce vraiment réciproque ? » ; « Sera-t-il/elle prêt(e) à assumer/s’engager tel que je suis prêt(e) à le faire ? » ; « Tout cela a-t-il du sens ? » ; « Je commence à m’attacher, ne vais-je pas vers une profonde désillusion ? » ; …
C’est la période de rationalisation. Rationnaliser une union dont les bases sont complètement irrationnelles. Avec les risques que cela implique… Le risque ultime étant la rupture.
Ce qui échappe à tout contrôle c’est la réciprocité dans l’intention de construire. Les sentiments, à partir du moment où ils étaient sincères, perdurent toujours (c’est la raison pour laquelle une rupture est toujours difficile, même pour celui qui a décidé de rompre, ou de fuir, ou de s’en aller…). En revanche, la volonté d’intégrer définitivement (ou durablement) l’être aimé dans sa vie est sans doute le paramètre déterminant. D’où l’importance de laisser le temps qu’il faut à l’autre, tout en exprimant son propre ressenti.
Une transformation profonde
Dans le meilleur des cas, une belle histoire peut aboutir et se solidifier. C’est tout notre être, toute notre vie (ou une partie de notre vie) qui va prendre une autre dimension. Quelle que soit l’issue de nos relations amoureuses, une partie de nous sera consciente que ces histoires devaient être vécues.
Car rien, aucune thérapie, aucun livre, aucun séminaire de développement, ne peut transformer – ne peut bousculer – les êtres comme l’Amour peut le faire. L’Amour authentique étant cet éclatement en Soi qui permet d’atteindre les plus hauts niveaux de bien-être.
C’est beau l’amour… vraiment ?
A la question de savoir si « c’est beau l’amour », tout dépend de l’angle avec lequel on observe le phénomène amoureux. Les poètes et les mystiques pourront toujours romancer ce qu’il y a de beau dans ce qui nous arrive lorsque l’on est amoureux. Et sous cet angle, c’est vrai que c’est beau.
Les analystes, quant à eux, observeront des phénomènes qui nous dépassent, qui peuvent parfois nous faire vivre des histoires en dépit du bon sens. Certaines ruptures pouvant désintégrer des personnes en profondeur, et il n’est pas toujours aisé – du moins dans un temps très court – de guérir d’une déception sentimentale. Ca se joue à des niveaux structurels très intimes, et une thérapie peut parfois être nécessaire pour retrouver de l’apaisement et dépasser ses désillusions.
L’expérience amoureuse étant à vivre lorsqu’elle se présente. Il s’agit de quelque chose qui se présentera pour le meilleur… ou pour le mieux !
Car si le temps permet de solidifier une union – jusqu’au potentiel de la transformer en famille bienheureuse –, le temps permet également de guérir de ses déceptions.
On ne sait pas vraiment ce qui nous arrive lorsqu’on est amoureux. C’est en ce sens que l’on dit béatement que « c’est beau ». Il s’agit du niveau ultime de lâcher-prise pour aller vers ce qui réjouit l’âme à travers l’être aimé. Un être qu’on ne connait pourtant pas encore, alors que c’est « comme si ». Il n’y a rien à rationaliser, juste à accepter l’appel émis en nous.
Car l’Amour a le potentiel d’ouvrir ce qu’il y a de beau en nous : l’écoute, la bienveillance, la présence, le partage, le don, l’ouverture du coeur et de l’âme,… jusqu’à la fusion.
Et bien évidemment, cela est très beau !
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